Dessiner avec une gomme, crayonner au fusain, jouer avec les lumières.
Observer les traits. Rechercher l'expression. Scruter le détail particulier.
Caricaturer: accentuer, exagérer, déformer.
Pour faire un portrait qui ressemble, même s'il n'est pas très réaliste...
Si l'utilisation des expressions du visage dans la représentation d'une action, d'une émotion ou d'une idée peut paraître d'une grande évidence aujourd'hui, sachez que cela n'est apparu que fort tard dans l'histoire de l'art. Jusqu'à la renaissance, la posture, les attributs et les vêtements tenaient lieu de moyens de signification symbolique permettant de reconnaitre les personnages et de raconter l'histoire qu'ils vivaient sur l'image.
Peu à peu, au XVIeme siècle, l'expression des visages en peinture est apparue comme un des aspects de "l'imitation de la nature", principe fondamental de la représentation, mis en place à cet époque.
Si on trouve des textes concernant les expressions dans les écrits de Léonard de Vinci, c'est principalement Nicolas Poussin, au XVIIeme siècle qui théorisa cette pratique, institutionnalisée par son élève Charles Le Brun sous le nom de: "expression des passions de l'âme".
Peintre de Louis XIV, décorateur du palais de Versailles, fondateur du Musée du Louvre, de l'Ecole Académique des Beaux arts et de l'Ecole des Gobelins (lieu de création de tapisseries, type d’œuvre d'art très importante qui servaient, jusqu'à la révolution française, d'objets de propagande au service du pouvoir et dont la production était de ce fait très contrôlée...), ses écrits restent encore aujourd'hui la base du modèle culturel classique de l'art. (Les artistes au fil du temps, adoptant ou réprouvant les règles qui le régissent afin d'exprimer leur créativité).
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Les expressions des passions de l'âme, gravées d'après les dessins de Le Brun, 1727 |
A la fin du XVeme siècle, la mise en place du principe consistant à considérer que l'expression du visage révèle un état intérieur, est cependant passée par un aspect tout à fait particulier: celui de la caricature.
Ceci est à remarquer chez certains peintres de la renaissance du nord, notamment allemande, ou chez les "primitifs flamands".
Adoptant les préceptes de réalisme de la renaissances, ils ont cependant conservé l'aspect symbolique de la peinture, conçue comme un langage. Les expressions ainsi que les traits du visage représentent une émotion, un sentiment, un comportement, mais sont surtout révélatrices d'une personnalité et constituent des marqueurs d'identité, codifiés et stéréotypés.
Et afin qu'il n'existe pas de confusion possible, l'exagération jusqu'à la caricature des traits et de l'expression permettaient de reconnaitre les personnages avec certitude.
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Christ aux outrages. Jérôme Bosch. Huile sur panneau.1500 |
Dans cette œuvre de Jérôme Bosch par exemple, les yeux exorbités, la bouche ouverte et déformée désignent l'avidité. Le nez crochu permet de distinguer les juifs, en les comparant à des rapaces.
Sans y voire obligatoirement une volonté d’antisémitisme, c'était une manière symbolique d'identifier certains protagonistes de la scène représentée, en s'appuyant sur les poncifs de l'époque.
Le zoomorphisme est une tendance humaine sur laquelle s'appuient les artistes pour donner un caractère particulier à un personnage, à qui l'on prête ainsi les caractéristiques comportementales d'un animal à travers la ressemblance physique.
Si l'expression de l'émotion réelle et le réalisme des traits d'une personne a pris le pas sur le symbole dans la représentation classique, ce moyen reste parfois utilisé dans tous les arts de l'image et plus particulièrement dans la caricature.
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Études zoomorphiques: l'aigle. Charles Le Brun. |
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Caricature de Darwin parue dans The Hornet le 22 mars 1871 |
Dans la caricature, l'accentuation des traits physiques et des expressions permet de créer des ressemblances par analogie de forme et de donner à voir la personnalité à travers le portrait.
Einstein tient ici par exemple autant du savant fou, avec ses cheveux en bataille par électrostaticité, que du cocker triste, avec les paupières et les joues tombantes, ou du clown fripon, avec son gros nez et l'étincelle de ses yeux. Tout ceci résumant sa personnalité blagueuse, son travail sur les théories scientifiques liées à l'énergie, ses remords pour sa contribution à la création de la bombe atomique.
Derrière l'aspect un peu grotesque et humoristique d'une caricature se révèle en fait un message d'une grande puissance, qui peut être tendre autant que féroce, conciliant ou contestataire.
Il est à préciser que l'interprétation des expressions et des traits du visage dans une image est assujettie aux codes culturels d'une époque et d'une zone géographique.
On connait les dérives d'une interprétation scientifique absolue de la physionomie... (classification et hiérarchisation raciale, sociale, comportementale, intellectuelle... en fonction de l'apparence physique, qui ont justifié extermination, esclavage, colonisation ...etc...)
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Photographie des expressions obtenues par stimuli électriques à des points précis du système nerveux |
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Typologie des expressions par un des acteur de la série télévisée "Lie to me" qui au fil des épisodes, met en lumière la complexité des expressions et attitudes humaines, que le langage corporel ne peut permettre de déchiffrer à lui seul, malgré sa relative efficience |
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Photographies de criminels, du début du XXeme siècle, destinées à trouver des points communs dans leur physionomie, afin de reconnaitre ensuite chez quelqu'un une tendance à la criminalité. Cette théorie délirante liée au déterminisme biologique a été scientifiquement contestée, mais produit encore des effets dévastateurs... |