lundi 25 mai 2015

Banksy, de la colombe au bébé chat... Partie 1.

Pour aller au-delà du cours et comprendre le destin de la peinture de Banksy...

2005: Banksy et un collectif d'artiste de street art du "Santa's Ghetto" (galerie d'art underground londonienne) interviennent sur le mur de séparation entre Israël et la Cisjordanie, côté palestinien, ainsi qu'en divers lieux traversés lors de son séjour, notamment à Bethléem.

"Dove". Banksy. 2005. Check-point d'entrée à Bethléem.
Message d'espoir dédié aux populations civiles, les œuvres, bien que provocantes, empreintes d'ironie et d'humour noir,  ne sont pas directement sujet à polémique. Elles prônent la non violence, défendent la paix, la liberté, la justice, manifestent contre la guerre et tous les fléaux engendrés par l’homme.
Son but est de faire prendre conscience de la situation de crise du pays, notamment aux pèlerins qui viennent se recueillir sur les lieux de la naissance de Jésus.




 
Les différentes actions du projet "Santa's ghetto" (galerie d'art temporaire, performance médiatique,  site internet, merchandising...) s'articulent entre l'utilisation du système économique de l'art et la curiosité de ces touristes.
Non seulement, ils sont une manne économique ("Banksy tour" proposé par les taxi, boutiques de souvenir du mur...), mais ils propagent par la poétique et la beauté du message, de carte postale en carte postale, de photo en photo, de blog en blog, et dans le monde entier, l'idée d'une autre solution que celle d'un mur, pour permettre aux populations de cette région de vivre en paix.





La portée politique des œuvres est de ce fait totalement subversive: ayant l'apparence d'avoir été récupéré par un capitalisme abject, qui crée de la richesse de manière révoltante, sur l'expression du malheur et de la misère engendrés par le conflit, le projet manipule l'image d'un grand musée à ciel ouvert, dont l'exploitation (organisé par Banksy lui-même) fait polémique, et finalement dénonce indirectement, mais peut être bien plus efficacement, la construction de ce mur, au niveau international, en prolongeant le propos des peintures elles-mêmes.





Graphe palestinien: apologie de l'intifada (guerre des pierres)
La population locale, cependant, n'a pas confiance en cette démarche, qui joue avec la contradiction.
La normalisation de la situation semble en effet déservir son intérêt. En inscrivant ses œuvres parmi les graffiti et peintures contestataires des habitants, "Santa's Ghetto" entraine leurs revendications dans une récupération artistique et commerciale qui désamorce la force des revendications.




 
Paradoxalement, en effet, la beauté (et la présence d'un touriste venu l'admirer) semble donner  au mur un certain droit d'exister, alors même qu'elle en dénonce la légitimité.
 Le mur, cible d'un vandalisme qui crie son indignation, en devenant un support artistique, entérine sa présence.
Banksy raconte dans son livre Wall & Piece, qu’un jour, alors qu'il graffait des enfants près d'une plage, un habitant est venu lui dire : « Vous embellissez le mur ».
Banksy, a répondu, flatté: « Merci, c’est gentil ».
Ce à quoi, il s'est vu rétorquer: « On ne veut pas que ce mur soit beau, on ne veut pas de ce mur, rentrez chez vous ».





Trois types de réaction de la population sont visibles aujourd'hui.
Certaines peintures ont été détruites en étant recouvertes de crépi, ou au contraire, elles ont été protégées et mises en valeur pour être laissée à la vue de tous.
Désacralisées par des graffiti qui en font le commentaire, d'autres ont été intégrées dans l'espace de révolte populaire: elles perdent leur statut d’œuvre d'art pour revenir à leur nature d'origine.
Ces différentes appropriations servent, chacune à leur manière, à établir un dialogue des idées, dans une situation politique pour le moment dans l'impasse.

Enfant jouant avec sa pelle et son seau. Banksy. 2005. Mur de séparation près de Qalandiya, Cisjordanie, Palestine. Graffitti contenant messages d'insulte ou d'espoir,  en anglais ou en arabe.


Fillette fouillant au corps un soldat. Banksy. 2005. Palestine. Peinture mise en valeur: pose d'un enduit qui la détoure et fait cadre, ajout d'une lampe extérieure pour l'éclairer la nuit.



Soldat israélien vérifiant les papiers d'un âne. Banksy. 2005. Palestine. Peinture aujourd'hui déposée.

Série des rats, London? 2004?


Banksy reste cependant, à la fois conscient de l'importance de son travail, mais aussi de son impact limité, comme le suggère ironiquement certaines de ses peintures.
"Si les graffiti changeaient quoi que ce soit, ce serait illégal"...